Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le regard historien
5 juillet 2022

Le déficit commercial: encore et toujours...

En décembre 2021, un nouveau cri d'alarme était lancé sur le commerce extérieur de la France: le Haut-Commissaire au Plan, François Bayrou, publiait un rapport au titre volontaire: "Reconquête de l'appareil productif: la bataille du commerce extérieur". Le contenu est sévère: "nous nous sommes laissés exclure par une sorte de désintérêt progressif et croissant pour ces champs de production"; la poursuite du déclin industriel entraînera des conséquences sociales graves en l'absence de sursaut. Portée par les campagnes des élections présidentielles et législatives, la question a été abondamment abordée par les journalistes et les politiques.

Pourtant, un regard en arrière montre que nous n'en sommes pas à la première mise en garde de ce genre. A quand remonte l'inquiétude française sur le déséquilibre de la balance commerciale? C'est à partir du premier choc pétrolier, à l'automne 1973, que le thème s'impose. Deux facteurs jouent alors: d'une part, la forte hausse du prix du pétrole et des matières premières fait exploser le montant des importations; d'autre part, le processus de désindustrialisation s'accélère à cause de la non-compétitivité des productions françaises.

 

Un commerce extérieur fragile depuis les années 1970

Le graphique suivant montre le taux de couverture des importations par les exportations. Il met en évidence les fluctuations du commerce extérieur français et la difficulté à trouver un équilibre. Ancienne puissance industrielle, la France dispose dans les années 1950 d'un appareil productif ouvert à de nombreux marchés étrangers: automobiles, biens d'équipement et textile sont ainsi vendus au dehors. La France profite aussi du débouché colonial qui lui est réservé. Dans les possessions ultramarines d'Asie ou d'Afrique, les producteurs français peuvent vendre sans craindre la concurrence étrangère. Mais les guerres mondiales et la crise des années 1930 a affaibli l'économie française. A la fin des années 1950, le déficit du commerce extérieur atteint un record; la dévaluation de 1958 a cependant un effet spectaculaire - même miraculeux pour certains observateurs -... mais de courte duée. Dans les années 1970, importations et exportations sont proches de l'équilibre, mais une dégradation s'observe et un nouveau déficit record arrive en 1982. Ce n'est qu'en 1992 qu'un retour durable à l'excédent a enfin lieu.

Graphique: taux de couverture des importations par les exportations (en %). [INSEE]

Des initiatives variées face à la crise

Pour tenter de combler le déficit, l'imagination est au pouvoir. La déclaration du président Valéry Giscard d'Estaing, "En France, on n'a pas de pétrole, mais on a des idées!", est restée dans les mémoires, ainsi que le changement d'heure en été pour réduire la consommation d'énergie. Divers slogans sont diffusés, tel celui du "treizième mois à l'exportation": les Français devraient travailler chaque année un mois de plus et destiner la production supplémentaire à l'exportation.

Face à l'ampleur du problème, l'Etat ne se limite pas aux slogans, mais cherche aussi à agir plus efficacement dans l'économie. En matière de commerce extérieur, il dispose depuis 1945 de plusieurs organismes spécialisés: le Centre national du commerce extérieur (CNCE, qui devient temporairement Centre français du commerce extérieur, CFCE), la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (COFACE) et la Banque française du commerce extérieur (BFCE). Ces trois instruments ont été créés dans le contexte de la Libération où l'Etat étend son action au champ économique et devient "keynésien modernisateur" [ROSANVALLON]. Le CNCE, dont les débuts ont été marqués par des difficultés à trouver comment agir. On lui reprochait en particulier son fonctionnement centralisé et parisien, et par conséquent inadapté à l'accompagnement des entreprises. Dès les années 1950, des réformes ont visé à mieux l'implanter dans les régions, ce qui est passé par la création de délégations autonomes dans chacune d'elles [BADEL].

Dans les années 1970, le CNCE poursuit dans chaque région son effort d'assistance aux entreprises, ce qui prend diverses formes: organisation de missions d'exploration à l'étranger, participations groupées à des salons internationaux, conseil individualisé aux entreprises candidates à l'exportation... Il agit par lui-même, mais aussi en s'associant aux autres organismes tels que les organisations patronales - CNPF, CGPME - et les chambres de commerce et d'industrie.

 

Aujourd'hui, l'Etat est plus que jamais impliqué dans l'assistance aux exportateurs. Le CNCE a connu plusieurs réorganisations et changements de nom, et est l'ancêtre de l'actuelle structure Business France qui centre son action sur les PME et les ETI. Le commerce extérieur est une affaire d'Etat, mais la contribution des pouvoirs publics n'a pas suffi à rétablir l'équilibre car, comme beaucoup le faisaient déjà remarquer dans la seconde moitié du XXe siècle, un dispositif public efficace ne compense pas un manque de compétitivité des entreprises.

 

Références:

BADEL Laurence, Diplomatie et grands contrats, Paris, Presses de la Sorbonne, 2008.

ROSANVALLON Pierre, L'Etat en France de 1789 à nos jours, Paris, Le Seuil, 1990.

"Reconquête de l'appareil productif: la bataille du commerce extérieur", Haut-Commissariat au Plan, 7 décembre 2021, https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2021/12/reconquete_de_lappareil_productif_-la_bataille_du_commerce_exterieur_.pdf

INSEE, « Taux de couverture à prix courants de l'ensemble des biens et services de 1950 à 2013 »,
20 février 2015, URL :
https://www.insee.fr/fr/statistiques/1288588?sommaire=1288637#tableau-T14F141G1

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Le regard historien
Publicité
Archives
Publicité